Vaccination : Une 3e dose du vaccin anti-covid est-elle envisageable au Maroc ?

Alors que la campagne de vaccination anti-covid se porte plutôt bien au Maroc, avec l’arrivée de plusieurs cargaisons de doses ces dernières semaines, on parle déjà de l’injection d’une troisième dose du vaccin un peu partout dans le monde. Les firmes pharmaceutiques, elles, sont presque unanimes sur la nécessité d’une 3e dose pour contrer les nouveaux variants. 

En effet, le président d’Astrazeneca France, Olivier Nataf, avait annoncé que son laboratoire envisage de demander une autorisation pour une 3e dose de vaccin modifié qui serait plus efficace contre les variants à l’image de ses concurrents, Pfizer et BioNTech, qui ont annoncé le 9 juillet leur intention de demander aussi une autorisation d’une 3e dose en Europe et aux USA. Le patron de Moderna, Stéphane Bancel, s’est dit également favorable à une 3e dose. « Il faut vacciner avec une 3e dose toutes les personnes à risque dès la fin de l’été« , avait-il déclaré à la presse.

Qu’en pense l’OMS ?

Lors de son allocution le 12 juillet, le président Français, Emmanuel Macron, avait annoncé le lancement d’une campagne de rappels du vaccin contre le Covid-19 à la prochaine rentrée, principalement, les personnes vulnérables. Même son de cloche du côté du Premier ministre, Jean Castex, qui avait évoqué le 8 juillet qu’une troisième dose de vaccin pourrait être nécessaire prochainement pour les plus fragiles.

Israël, qui a été désigné « champion de la vaccination » avec un record de plus de 57 % de la population totalement immunisée, a d’ores et déjà commencé à administrer la 3e dose du vaccin anti-covid aux personnes vulnérables, depuis le lundi 12 juillet, dans le but d’atténuer une nouvelle vague de pandémie qui se profile.

Face aux données insuffisantes et le risque de la généralisation de cette mesure dans le monde, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reste très méfiante quant à l’administration d’une troisième dose du vaccin anti-covid. Le DG de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a estimé que la 3e dose « n’était pas une priorité, vu que la vaccination offre une immunité durable contre le Covid-19 grave et mortel ». Selon le patron de l’OMS, « la priorité est de vacciner ceux qui n’ont reçu aucune dose et protection » avant de procéder à l’administration de dose de rappel.

Le Maroc va-t-il suivre la vague ?

Au Maroc, et depuis le lancement de la vaccination anti-covid en janvier 2021, 11.213.841 personnes ont bénéficié de la première dose du vaccin, alors que 9.619.727 sont considérées comme totalement vaccinées à ce jour. Face à la recrudescence des cas de contamination dans le pays, qui ont grimpé pour passer d’une  moyenne de 400 cas par jour en juin à 2.000 en ce mois de juillet, le Maroc envisage-t-il l’administration d’une 3e dose ?

C’est fort envisageable si les études cliniques réalisées le démontrent, nous confie Pr Moulay Mustapha Ennaji, virologue et directeur du laboratoire de virologie à l’Université Hassan II de Casablanca, notant que la prise de décision sera basée sur les données cliniques qui ont été faites.

« Aujourd’hui, que ce soit le ministère de la Santé ou un médecin quelconque, personne ne peut prescrire une 3e ou 4e dose comme ça, sans avoir des données fiables« , estime le virologue, mettant ainsi en garde contre « la vaccination qui peut perturber l’immunité« .

« Nous sommes en train de jouer avec notre immunité. Cette dernière peut des fois être déséquilibrée et peut engendrée d’autres maladies beaucoup plus graves chez une personne, à tel point qu’il devient difficile d’intervenir. Normalement, lors des études et essais cliniques réalisés sur les vaccins, les laboratoires ont suivi minutieusement les volontaires, chacun selon les doses qui lui ont été administrées, etc. Par la suite, ils ont observé l’évolution du vaccin en fonction du temps. Au final, ils ont opté pour l’optimum, c’est-à-dire deux doses du vaccin« , explique-t-il.

Dans ce sens, Pr Ennaji suppose qu’au tout début, « les études et essais cliniques ont été réalisés avec une seule dose, avant de constater qu’elle n’était pas suffisante ni efficace et qu’il fallait rajouter une deuxième dose. Et dans les études réalisées par les laboratoires, je suppose aussi qu’ils se sont déjà penchés sur la question de la nécessité, ou pas, d’une 3e dose« , soutient-il.

Face à tous ces éléments, Pr Ennaji préfère « responsabiliser les laboratoires producteurs du vaccin », qui doivent, selon lui, « nous dire s’il faut une troisième ou quatrième dose. Parce qu’il ne s’agit pas d’un simple médicament », précise-t-il.

« Une 3e ou 4e dose peut faire baisser l’immunité chez la personne. Et les conséquences de cela, personne ne peut les constater sur le coup puisque ça diffère d’une personne à une autre. Il faut donc absolument se pencher sur les risques d’une 3e dose« , alerte le virologue, également membre du comité scientifique anti-covid.

D’autre part, Pr Ennaji estime qu’il faut se préparer à l’évidence d’une vaccination annuelle comme celle de la grippe saisonnière. « Depuis le début de la pandémie, des études disaient que le vaccin protège pendant 6 mois d’autres disaient qu’il protège pendant 8 mois tandis que d’autres préconisaient la patience et l’observation. Si le vaccin protège donc pendant 6 ou 8 mois, c’est-à-dire qu’il y a des gens qui ont été vaccinés il y a 6 mois, dont l’immunité s’est affaiblie. Dans ce cas, on ne parle pas d’une troisième dose, mais d’une revaccination ou d’un rappel. C’est comme la grippe saisonnière. Nous sommes en train de revivre le même scénario. C’est-à-dire se faire vacciner chaque année », avance Pr Ennaji.

Mais cette fois-ci, « il ne sera pas question de se faire vacciner deux fois par an« , précise-t-il, « mais une seule fois. Puisque la première dose sert à stimuler l’immunité et avoir ce qu’on appelle des cellules mémoires. Ces dernières sont déjà-là, raison pour laquelle on parle d’une 3e dose pour booster l’immunité« , conclut notre interlocuteur.

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