
Maroc-Espagne : Quel avenir pour les relations entre les deux pays ? Le point avec Adil Benhamza
Beaucoup sont les analystes politiques qui considèrent que le remplacement de l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya par José Manuel Albares pourrait être la porte vers une accalmie de la crise qui ne dit pas son nom entre le Maroc et l’Espagne. À quel point ce point de vue est-il valable ? Hespress FR a choisi un fin connaisseur du dossier, qui n’est autre que Adil Benhamza, pour faire le point. Analyse.
D’emblée l’ancien porte-parole du parti de l’Istiqlal affirme qu’« il n’y aura pas une énorme percée parce que la problématique est tellement profonde qu’elle ne peut être résolue par le changement de personnes ». La sortie de la crise nécessite, affirme-t-il, la révision des choix stratégiques du côté espagnol, car pour le Maroc la question du Sahara est une affaire vitale et essentielle.
« Quand l’Espagne a protesté concernant la délimitation des frontières maritimes, elle n’a évoqué la question de la souveraineté ou non du Maroc, car elle sait qu’il s’agit d’un fait établi qui a été soutenu davantage avec la prise de position américaine », a-t-il soutenu en soulignant que « le changement de l’attitude américaine a donné plus de force au Maroc dans sa relation avec l’Espagne et l’Europe de manière générale ».
La preuve en est, avance-t-il, la réaction du gouvernement concernant la résolution adoptée par le parlement européen (au sujet de la prétendue instrumentalisation des mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire de Sebta ndlr).
Le mont Tropic en arrière plan
D’après lui, le véritable fond de cette crise est la souveraineté du Maroc sur le mont sous-marin Tropic. L’enchaînement des événements, surtout en 2020, ne peut être dû au hasard et l’évolution de l’attitude étatsunienne est en liaison directe avec cette situation.
C’est pourquoi l’Espagne devrait prendre un raccourci et venir discuter de ses intérêts avec le Maroc, met-il en évidence en soulignant que « la question du Sahara fait partie intégrante des intérêts du Maroc et se trouve au cœur des relations entre les deux royaumes ».
« Certes, il parait difficile pour l’Espagne de trancher en faveur de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et cela risque de prendre du temps, mais du moins il va falloir qu’elle donne des garanties au Maroc selon lesquelles elle ne va pas adhérer à la guerre de propagande et la guerre menées contre le Maroc par l’Algérie au sein de plusieurs instances régionales et internationales », poursuit M. Benhamza.
Le rapprochement avec l’Algérie
Dans cette veine, le consultant juridique met en avant « l’accélération sans précédent du rythme des échanges de visites entre les responsables espagnols et leurs homologues algériens qui prouve que ces deux forces régionales s’unissent contre le Maroc.
Autant dire que le changement à la tête du ministère des Affaires étrangères ne va pas mener vers l’accalmie.
« Cela pourrait casser la barrière psychologique qui s’est installée avec Arancha González, mais à quel point le nouveau ministre pourrait enclencher une grande percée ? », interroge Benhamza.
Selon lui, ça sera difficile sauf si jamais il y aura un consensus entre les forces politiques espagnoles, car il faut noter que les sondages de ce vendredi augurent d’une perte, lors des élections qui ont eu lieu, de 30 sièges par les socialistes au profit du parti populaire.
« Je crois que l’Espagne va « s’introvertir » lors des prochains mois. Le parti socialiste va revoir ses calculs sur le plan intérieur ce qui pourrait le pousser à éviter les hostilités verbales envers le Maroc sans pour autant réaliser une grande percée à mon sens », décortique l’analyste politique.
Le thermomètre de Sebta et Melilla
Interpelé par Hespress FR sur l’autre face de cette crise à savoir la question des présides occupés de Sebta et Melilla, qui se trouve au cœur des promesses électorales des différents partis espagnols, notamment, le chef du PP Pablo Casado qui a appelé une protection des deux villes par l’OTAN, Benhamza a considéré cette question comme « le mercure du thermomètre » des relations entre les deux royaumes.
« Lorsque les tensions montent d’un cran apparaît le dossier de Sebta et Melilla », dit-il en poursuivant « ma conviction est que le Maroc du moins officiel a une conception de ce sujet, mais il l’appréhende selon la conception posée par Feu Hassan II qui part du constat que le cumul des siècles a créé une certaine réalité qui doit être traitée entre les deux pays dans le cadre d’une réflexion commune ».
« Je crois que le discours officiel va partir dans ce sens. On ne va pas baisser les bras, mais ce n’est pas un sujet qui presse. Et le Maroc ne peut en aucun cas se soumettre à la position espagnole. Ainsi, le sujet de Sebta et Melilla restera l’indicateur principal de l’escalade ou la désescalade de la crise entre les deux pays », conclut M. Benhamza.
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