Neuf enfants violés quotidiennement, une refonte du code pénal est nécessaire

Neuf cas d’abus sexuels sur les enfants ont été recensés chaque jour au Maroc en 2022, un constat alarmant qui ne laisse pas indifférent. Les associations militantes et les ONG sortent de leurs gonds et pointent du doigt les lacunes présentes dans certaines dispositions du Code pénal.

Considérés des sujets tabous, les abus sexuels à caractère pédo-criminel deviennent de plus en plus médiatisés. Avec des peines jugées « insuffisantes», les criminels, agresseurs et violeurs ne sont pas « freinés par la loi ».

La pédophilie est une menace qui pèse sur le Maroc et il est grand temps d’agir et de faire sortir la société de son silence, appellent les milieux associatifs. Face au flot répétitif de crimes, les responsables détournent le regard, distraits par d’autres incidents, d’autres tragédies, tandis que les voix des victimes se taisent, de peur de l’indifférence sociale et juridique.

Approchée par Hespress Fr, la présidente de l’ONG « touche pas à mon enfant », Najat Anwar, a affirmé que « la déclaration du procureur général concernant le nombre de cas d’agressions sexuelles contre des enfants au cours de l’année 2022 est de 3.295 cas, soit une augmentation de 10% par rapport à 2021 ».

« Nous avions donc bon espoir sur les acquis que le Maroc avait réalisé en matière de protection de l’enfance, mais cette augmentation nous place devant de nombreux points d’interrogation », se désole la présidente de l’ONG.

En partageant avec nous ces prévisions, elle nous confie que « nous attendions cette augmentation après la levée de l’état d’urgence sanitaire dans le pays et après avoir surmonté l’obstacle de la pandémie qui a frappé le monde et le Maroc, de sorte que les problèmes complexes vont resurgir et s’intensifient ».

De plus, ne pas modifier certains articles du Code pénal concernant les sanctions liées aux agressions sexuelles ne fait qu’aggraver la situation. « Si vingt ans d’emprisonnement sont adoptés comme peine minimale de prison et que les circonstances atténuantes sont abandonnées, cela dissuadera les auteurs de ces crimes », propose Najat Anwar.

Dans le détail, nous déclare-t-elle : « je pointe directement le contenu de certains articles du droit pénal. Nous, en tant qu’organisation, réclamons depuis des années un durcissement des peines en adoptant vingt ans comme peine minimale ».

Ensuite, il faut intensifier les mécanismes de sensibilisation à travers la mise en œuvre d’une politique de proximité dans les programmes ministériels qui y sont orientés, notamment dans le monde rural. « En partenariat avec le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale, nous avons créé une unité de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences dans un centre de santé à Sidi Bouknadel pour rapprocher la politique de sensibilisation et toucher toutes les couches de la société marocaine », affirme la présidente de « Touche pas à mon enfant ».

De sa part, Ghizlane Mamouni, avocate au barreau de Paris et co-fondatrice de l’association féministe Kif Mama Kif Baba, nous a déclaré qu’il « n’existe pas de crimes spécifiquement liés à la pédo-criminalité. Aux yeux de la loi marocaine, il y a le viol et l’« attentat à la pudeur » et le fait qu’ils soient commis sur des mineurs constitue simplement une circonstance aggravante… que le juge a le droit de contourner en invoquant des circonstances atténuantes ».

Indignée par ses chiffres, elle nous révèle que ces statistiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg, d’autres victimes ont choisi le silence surtout dans le monde rural.

« Chaque jour au Maroc, des dizaines de condamnations pour des actes de pédo-criminalité sont prononcées et, dans 80 % des cas, la moyenne des peines est de trois ans alors que le maximum prévu par la loi atteint 30 ans de réclusion criminelle », nous fait savoir l’avocate. Le fait que ces affaires soient aujourd’hui l’objet d’un débat public pousse les services de police, les procureurs et les magistrats à être plus sévères.

Les sanctions doivent être à un niveau qui empêche la prolifération de ce phénomène, avec des peines qui ne dépassent pas les six mois, « les violeurs ne sont pas freinés par un pouvoir législatif », regrette l’avocate.

Le dossier de la petite S. de Tiflet a nécessité une armée d’avocats, une manifestation populaire, une mobilisation de la société civile, une couverture médiatique nationale et internationale massive et un soulèvement de l’opinion publique, rappelle notre interlocutrice. « Pour des peines finalement 30 à 50 % inférieures aux maximums légaux et l’absence de requalification des faits en viol, seul l’euphémisme attentat à la pudeur est retenu », se désole la militante pour les droits de la femme et de l’enfant.

Alors que l’indignation et la colère suscitées par le cas de la petite S. occupent tous les médias et les réseaux sociaux, la cour d’appel de Meknès condamne un homme coupable d’« attentat à la pudeur » sur enfant à six mois de prison ferme (et dix-huit mois de sursis), seulement…Une semaine plus tôt, le violeur d’une fillette de six ans est condamné en première instance à El Jadida à deux ans de prison ferme, seulement…

L’année dernière, à Tétouan, un enseignant dans un lycée pour filles en internat, reconnu coupable d’« attentat à la pudeur » sur plusieurs de ses élèves, est condamné à deux ans de prison avec sursis, seulement…

Enfin, « Kif Mama Kif Baba, comme d’autres associations féministes, revendique : la refonte globale du code pénal avec la définition d’infractions spécifique à la pédo-criminalité, la formation et la sensibilisation des juges aux infractions sexuelles contre les enfants et la sensibilisation des citoyens pour une prise de conscience de la gravité de la pédo-criminalité dans notre société », demande avec ferveur la militante sociale.

Neuf enfants violés quotidiennement, une refonte du code pénal est nécessaire Hespress Français – Actualités du Maroc.

Afficher plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page