
La crise migratoire, un fardeau commun !
La lutte contre l’immigration clandestine est un défi commun, qui doit être gérée de manière collective pour ne pas être un fardeau pour un seul pays, quelle que soit sa détermination et sa volonté de le faire.
Dans un décryptage, le politologue Mustapha Tossa souligne qu’il s’agit d’un combat collectif qui relève de la responsabilité de pays concernés par le transit de ces flots de candidats à l’immigration.
Pour peu qu’un de ces pays joue un jeu trouble, l’ensemble de l’architecture de sécurité peut sombrer dans le chaos, relève le politologue, qui soutient que « les images de groupes de candidats à l’immigration d’origine subsaharienne armés de machettes et de sabres défiant l’autorité de l’État marocain a provoqué un choc immense dans les opinions pourtant habituées aux drames de l’immigration clandestine ».
« Devant le regard apeuré d’une Europe de plus en plus citadelle, ces événements ont imposé une grande interrogation et remis à l’ordre du jour le fragile équilibre entre le Nord et le Sud sur une problématique devenue presque insoluble, qui consiste à savoir comment traiter ce phénomène sans entrer dans une logique de chocs et de confrontations, sans faire de victimes et courir le risque de scandaliser les consciences », écrit-il.
Et de faire remarquer que « pour le Maroc, pays historiquement de transit où les candidats à l’immigration se coagulent sur sa frontière maritime avec l’Espagne avec le rêve d’atteindre la rive sud de l’Europe, ces imbroglios sont devenus hélas un vécu au quotidien et une partie intégrante de ses préoccupations. Ils ont depuis longtemps imposé aux autorités marocaines une gestion la plus réaliste possible de ces flux humains et de ces déplacements de population ».
« La politique migratoire du Maroc a toujours été de tenter une synthèse entre une approche sécuritaire ferme pour empêcher que le chaos et la loi de la jungle ne deviennent la règle absolue et une politique humanitaire pour traiter avec le maximum de délicatesse et d’empathie un phénomène engageant des destins et des vies humaines. Avec une éventuelle intégration sur place ou un possible retour au pays d’origine dans des conditions décentes », met-il en avant.
Or, note Tossa, « il arrive que sous la pression migratoire, les événements s’affolent et l’histoire s’accélère », et les tragiques confrontations entre candidats à l’immigration armés de machettes et d’armes blanches et les forces de l’ordre portent l’empreinte de cette crise migratoire ascendante, mais aussi les traces d’un activisme accru des réseaux mafieux, qui ont trouvé dans ce terreau et cette misère humaine une occasion de réaliser de bénéfices comme d’autres le font sur le grand banditisme et le trafic de drogue.
Il met ainsi en garde que « les réseaux mafieux, outre qu’ils aspirent à réaliser des bénéfices économiques, peuvent être des instruments faciles à manipuler pour accomplir un agenda politique », ce qui conforte, selon lui, l’hypothèse d’une « possible manipulation » de cette crise est à lier avec la traversée de nombreux pays menée par des centaines de candidats à l’immigration avant d’arriver au Maroc.
Venant du Soudan, poursuit-il, ces groupes ont manifestement traversé la Libye et l’Algérie sous « l’œil sinon bienveillant, du moins complice des autorités de ces pays, notamment l’Algérie ».
Il précise en ce sens que parce que les pays de l’Union européenne ont pris conscience que le Maroc, seul, ne peut lutter contre cette pression migratoire de plus en plus forte, ils ont montré une totale compréhension des drames survenue aux portes de la ville de Melilla.
Mustapha Tossa fait noter qu’il leur reste aujourd’hui de traduire cette compréhension en aide économique et logistique pour venir en aide au Royaume qui avait fait de la lutte contre l’immigration clandestine une de ses priorités absolues.
Il souligne en ce sens que l’Europe, qui se pense actuellement comme une citadelle, doit participer à l’effort de régulation de ces flux migratoires et ne pas laisser sa facture économique dominer les finances des pays de transit comme le Maroc, tout comme elle doit sortir de la vision purement sécuritaire de ses rapports avec les pays fournisseurs de candidats à l’immigration.
Et de conclure qu’une souplesse dans les déplacements et une fluidité dans la mobilité légale est de nature à faire baisser le nombre potentiel de ces jeunes qui rêvent de l’eldorado européen au péril souvent de leurs vies.