Bouayach: Le droit de succession contribue à la « féminisation de la pauvreté »

Les résultats d’une étude menée par l’Association des femmes marocaines pour la recherche et le développement en partenariat avec l’Organisation marocaine des droits de l’homme ont démontré que le droit de succession était un verrou difficile à faire sauter, tant il s’appuyait sur une interprétation rigoriste de la loi islamique en la matière.

Une bonne majorité de l’opinion publique marocaine (44 % de l’échantillon de recherche sur les 1200 personnes interrogées) s’est dite ne pas être encore prête dans le domaine de la pratique de la succession au Maroc selon le document et rejette toute modification des dispositions du Code de la famille relatives à l’héritage. L’étude, qui s’est achevée en 2020, a été présentée aujourd’hui à l’occasion d’un colloque à l’Université Mohammed V de Rabat lors d’un atelier de restitution des résultats de l’enquête, devant un parterre d’éminences.

Elle a conclu à deux positions prépondérantes. Celle des adeptes du mordicus, précitée, et l’autre qui prône à 36 % des personnes sondées, le changement « des exigences légales discriminatoires à l’égard des femmes en matière d’héritage », tandis que 20 % sont restés indécises sans piper mot sur la question.

Le droit de succession contribue à la « féminisation de la pauvreté »
Ph. Mounir Mehimdate

Les partisans du changement s’en réfèrent aux promesses que laissait entrevoir la constitution de 2011, les engagements du Maroc envers la communauté internationale, et la « référence à la réalité du terrain », notamment au rôle économique des femmes dans le Maroc moderne.

Selon les résultats de l’étude intitulée « Le système successoral au Maroc. Quelles sont les opinions des Marocains ? », 86,6 % des répondants ont confirmé connaître parfaitement les subtilités juridiques du système successoral, 90,4 % d’entre eux étant du milieu urbain, et 79,5 % du rural.

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Concernant les perceptions prévalant chez les Marocains sur les règles d’héritage qui suscitent la controverse, celle de la transmission du patrimoine par genre, 82 % des personnes sondées ont exprimé leur soutien au régime d’une « demi-part pour une fille », tandis que 73,6 % ont soutenu cette règle même au sein de familles sans hommes, et 89,7 % justifient leur position parce que cette règle puise sa raison d’être dans une référence islamique ce qui n’est pas tellement vrai.

Pour ce qui est de la règle d’empêcher l’héritage sur la base des différences de croyance, 52 % des personnes interrogées ont exprimé leur soutien à l’interdiction de l’héritage entre une femme musulmane et une femme non musulmane, et 87,4 % d’entre elles ont attribué leur position sur cette règle à des raisons religieuses.

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Malika Benradi, présidente de l’Association des femmes marocaines pour la recherche et le développement, a déclaré que la motivation de l’étude se basait en premier sur les changements de la société marocaine lors des dernières décennies, en référence au Haut-commissariat au plan (HCP) qui rapporte que plus de 20 % des familles marocaines sont dirigées par des femmes.

En plus de ce fait, elle a ajouté qu’il existait d’autres points qui ont dicté cette recherche comme les changements intervenus dans le système juridique marocain, qui ont abouti à la constitution de 2011 dont les lois fondatrices ont mis l’accent sur le principe d’égalité et de non-discrimination sur la base de genre, en plus de la ratification par le Maroc de toutes les conventions internationales relatives aux droits des femmes.

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Aussi, d’après Malika Benradi, cette étude qui visait principalement à connaître les opinions, les perceptions, les attitudes et les aspirations futures des Marocains concernant le système successoral au Maroc s’inscrit dans le cadre du débat public sur la réforme du code de la famille. D’avis de mouvements des femmes, un amendement pour les rendre compatibles avec les exigences de la Constitution est nécessaire pour une levée de discrimination à l’égard des femmes.

Cela étant, les deux instances à l’origine de cette étude estiment le régime successoral actuel comme « discriminatoire » au regard des frustrations dans la transmission du patrimoine comme ceux « d’une moitié de part pour la fille par rapport à son frère », ou celle ne permettant pas à une seule fille ou des filles sans frère de jouir de tout l’héritage de leurs parents, ainsi celle de déshériter sur la base de différences de croyance.

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Pour Amina Bouayach, présidente du Conseil national du droit de l’homme (CNDH), le système d’héritage islamique discrimine et contribue à la « féminisation de la pauvreté ». La présidente du CNDH intervenant lors de cet évènement a en outre, ajouté que la moudouwana mettait au même niveau un ensemble de principes égalisant les devoirs entre les femmes et les hommes, comme le devoir de soins conjoints pour la famille, mais que l’égalité ne s’étendait pas aux droits garantis aux femmes en matière d’héritage.

Amina Bouayach a estimé ce régime successoral qui tire ses règles de la loi islamique et dans lequel les hommes jouissent de privilèges est « encore porteur d’un certain nombre de manifestations de discrimination et d’inégalités envers les femmes » à l’image du système d’intolérance et de restrictions qui limite sévèrement l’accès des femmes et des filles à la terre et à la richesse, et les rend susceptibles à la pauvreté et à la vulnérabilité.

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Elle a ajouté que de plus en plus de familles « ont recours à des mesures légales comme alternative au droit de succession islamique, telles que la vente, la charité ou le don, dans le but seul de protéger leurs filles et le bien qui doit leur revenir sans discrimination après la mort du père ». Cependant, le recours à ces procédures juridiques ne peut pas être une solution pour réparer le tort fait aux femmes marocaines, compte tenu des procédures qu’elles nécessitent, des conflits qu’elles peuvent soulever et de l’impossibilité de les mener par toutes les familles.

Amina Bouayach a réitéré sa position en faveur de l’adoption du principe de parité dans l’héritage, affirmant que les procédures auxquelles certaines familles recourent pour réaliser l’égalité entre leurs enfants « ne peuvent se substituer à un système juridique juste et équitable accessible à tous les Marocains ».

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