
Environnement et biodiversité : Le dernier IPE du Maroc, une sonnette d’alarme à prendre au sérieux
Sur 180 pays, le Maroc s’est classé 160e dans l’indice de performance environnementale (IPE) mondial pour l’année 2022, avec un taux très faible de 28,4 sur cent, ce qui signifie que le Royaume, malgré tous les efforts déployés, n’est pas proche de la réalisation des objectifs des politiques environnementales.
Selon le même indice, le Maroc se classe 164e dans l’indicateur de vitalité des écosystèmes, 123e dans les domaines de la santé et de l’environnement et 135e en politiques climatiques, avec un score de 28,4 sur 100 dans la plupart des catégories.
À l’échelle du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA), le pays n’a pas pu gagner de place avancée. Il s’est classé 14e sur 17 pays inclus dans l’indice, tandis que les Émirats arabes unis sont 39e à l’échelle mondiale, suivis de Djibouti, de la Jordanie, des Comores et du Koweït.
Joint par Hespress Fr, Mohamed Benata, ingénieur agronome, Dr en Géographie, Président de l’ESCO, membre fondateur de l’ECOLOMAN et fervent défenseur de l’environnement considère que l’IPE est un indice « sérieux », contrairement à certains indices qui classent le Maroc au même rang que le Danemark.
« Dans cet indice, les experts se sont basés sur 40 indicateurs. Et chaque indicateur est noté de 0 à 100 en fonction de l’état de situation du pays. Si ce dernier est un bon élève, il a une bonne note, dans le cas contraire, il a de mauvaises notes« , analyse Benata.
Pour le Maroc, l’ingénieur agronome note qu’il y a des indicateurs où le pays s’est amélioré et il y a d’autres où il s’est dégradé en matière d’environnement ce qui lui a fait perdre des points. Parmi ces indicateurs, Benata note ceux liés aux zones humides et aux prairies, qui sont des réserves de la biodiversité. Selon lui, « le Maroc a massacré les zones humides et les prairies partout au Royaume, et par conséquent, cela nous a fait perdre des points« .
« Ces indicateurs, sur lesquels l’IPE se base pour noter un pays, nous ont fait perdre plus de 200 points. Un autre facteur a contribué à cette chute du Maroc dans cet indice, c’est qu’il y a des pays qui ont amélioré leur score en faisant des efforts, d’où cette dégradation du classement du Maroc dans l’IPE, qui retrace la réalité de la situation environnementale dans notre pays« , déplore Benata.
D’ailleurs, il rappelle dans ce sens que les experts marocains n’arrêtaient pas de crier haut au fort qu’il faut respecter les zones humides et les prairies et réaliser le reboisement pour améliorer les conditions environnementales.
Afin d’améliorer ce score et remédier justement à cette situation environnementale catastrophique que connaît le pays, Benata estime que le Maroc doit d’abord exécuter les engagements et les traités internationaux qu’il a signés sur le respect de la biodiversité.
« Lorsqu’on signe une convention internationale sur le respect de la biodiversité, on s’engage à l’honorer. Sauf que là, ils font tout à fait le contraire. Par exemple, ils sont en train de construire un barrage à Mechraa Hammadi. Si ce barrage est construit, sachez que le sud de la Moulouya sera détruit, comme ce qui s’est passé avec les bassins d’Oum Rbii, Tansift, Draâa et Souss« , alerte l’ingénieur.
De plus, Benata évoque également le « manque d’expertise » et « l’ignorance » de certains responsables en charge du secteur de l’eau au Maroc.
« J’ai été surpris cette semaine par une déclaration d’un haut responsable, lors d’un forum à Casablanca sur l’environnement, qui disait qu’on n’a pas le droit de laisser une goutte d’eau passer à la mer. Cette phrase montre que cet individu ne connaît rien à la biodiversité et l’environnement. Si on ne laisse aucune goûte passer à la mer, comme raconte ce responsable, on va condamner tous les écosystèmes du poisson comme le Chabel, qui ont besoin de passer de l’Oued à la mer et vice versa pour survivre. Et ces écosystèmes, si on les détruit, on ne pourra pas les sauver ni les réparer même avec des milliards d’euros « , explique l’expert.
Aujourd’hui, le Maroc se doit d’appliquer ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale, à savoir la protection de l’environnement, de la biodiversité et des zones humides.
L’ingénieur appelle également à « laisser les courts d’eau tranquilles », notant que les barrages sont faits pour réguler les inondations, et les crues. « Mais le cours d’eau +normaux+ et qui constituent un +débit écologique+, ont un rôle à remplir pour la réalisation d’un équilibre naturel bénéfique aussi bien à l’animal qu’à l’humain, et c’est un équilibre qu’il ne faut pas rompre », précise-t-il.
Pour conclure, Benata estime qu’il faut absolument revoir notre politique actuelle d’eau, et ce en fonction des engagements du Maroc. « Si cela n’est pas fait, nous nous dirigeons droit vers le mur. Et si on détruit notre biodiversité, on détruit l’avenir du Maroc. Ceux qui n’ont pas de connaissances doivent en chercher pour comprendre ce qu’est la biodiversité, et le débit écologique. Il y va de la vie, et de l’avenir de l’homme« , conclut l’expert.
Environnement et biodiversité : Le dernier IPE du Maroc, une sonnette d’alarme à prendre au sérieux Hespress Français.