Amicales d’habitat: Lorsque les flous de la réglementation mènent à l’anarchie

Les associations et coopératives d’habitat, connues sous l’appellation de « Widdadiyates (amicales)« , se sont multipliées ces dernières années au vu des avantages qu’elles présentent pour les citoyens souhaitant acquérir une maison à un prix plus abordable que ce qui est proposé sur le marché (avantages fiscaux..). Cela dit, attention à l’arnaque. Les flous de  réglementation ont mis plusieurs adhérents à ce concept devant plusieurs problématiques. Il s’agit généralement de problèmes de garanties et d’abus divers de la part de gestionnaires de ces amicales. 

Ces dernières années, de nombreux cas d’escroquerie ont éclaté au sein des amicales et coopératives d’habitat. C’est le cas d’une Amicale à Harhoura, un lotissement bâtie en 1994, face à la mer et regroupant quelque 147 unités d’habitation et commerces, et acquis principalement par des MRE.

28 ans après, les adhérents et habitants de cette résidence ayant payé la totalité de la somme exigée par le promoteur immobilier, qui se trouve être également le président de l’amicale, n’ont aucun document légal qui atteste de leur propriété du logement.

Les travaux d’une autre tranche de cette résidence n’étant pas achevés, les adhérents, qui habitent en ce moment dans leur maison, n’ont toujours pas de permis d’habiter, et de ce fait, aucun droit devant la loi.

En gros, et pour la commune de Harhoura, ces adhérents habitent de manière illégale vu qu’il s’agit d’un chantier toujours en cours de construction, comme expliqué à Hespress Fr par l’administration sur place. Et pour l’obtention de ce sésame, c’est généralement le promoteur qui en fait la demande.

Sauf qu’aujourd’hui, les habitants sont confrontés à de nombreux problèmes avec le promoteur immobilier-président, qui souhaite ajouter un 3e niveau à la construction, soit « au dessus de la tête des habitants ». Mieux, il leur est demandé de quitter les lieux pour leur sécurité, sans pour autant qu’on leur garantisse un logement pour la période de construction.

D’après la commune, et si le promoteur remplit l’ensemble des conditions requises (expertise, accord de l’architecte …), il a le droit de surélever son immeuble. Mais pour les habitants de cette résidence, c’est leur vie qui est en jeu.

Situés en face de la mer, ces immeubles sont bâtis sur un terrain très sensible qui ne peut supporter une surélévation. Ayant peur que l’immeuble ne s’effondre sur eux, comme ce qui est s’est passé à Casablanca à deux reprises, les habitants ont porté plusieurs plaintes auprès de l’administration, voire même devant la justice.

« Nous souffrons de problèmes de fosse septique depuis des années. On fait d’ailleurs appel à la Redal pour aspirer ces fosses. Nous avons adhéré à cette Amicale en 1996. Lorsqu’elle a été créée, on s’est mis d’accord de manière contractuelle avec le président pour un R+2, à l’exception de l’immeuble 16, qui est déjà en litige, etc. Durant ces années, nous étions en conflit avec le président de l’Amicale pour qu’il nous donne nos documents. Nous avons payé nos dus, à l’exception de quelques uns. L’assemblée générale n’est pas tenue depuis plusieurs années, il n’y a plus de bureau de la Widadiya, ni secrétaire général, ni adjoint, ni comptable, du coup on ne sait pas comment est gérée l’Amicale. Il est le seul décideur à bord, et ce n’est pas normal« , nous confie l’un des habitants de la résidence.

« Lorsqu’il a voulu entamer son projet de construction du 3e étage, il a commencé à renforcer les poutres sous prétexte que la commune le lui a demandé par mesure sécurité. Mais il était en train de préparer la voie à la surélévation des immeubles. Pour les titres fonciers que nous n’avons toujours pas, le président de la Widadiya dit qu’ils sont prêts. Mais il nous fait du chantage: Pour avoir vos titres, je vais devoir bâtir un 3è étage. Sinon, pas de titre« , nous explique cet adhérent.

Suite aux plaintes déposées par les adhérents de l’Amicale, le procureur du Roi près le Tribunal de première instance de Témara, a ordonné l’arrêt des travaux le 29 avril 2022, selon les documents obtenus par Hespress Fr.

Sauf que le président de l’amicale et son représentant juridique A.F, « qui se croit au dessus de la loi, et déclare avoir des contacts haut placés » continuent les travaux, en dépit du jugement prononcé par le tribunal et du risque pour la sécurité des habitants, selon les témoignages des adhérents qui se sont confiés à nous.

Interrogée sur ce cas de figure, la Commune de Harhoura nous a indiqué que les adhérents à cette amicale, qui habitent depuis plus de 20 ans et sont raccordés au réseau électrique et téléphonique en leur nom, n’ont pas de permis d’habiter, et de ce fait, ne doivent même pas être là puisqu’il s’agit, aux yeux des autorités, d’un chantier en cours de construction.

Durant plus de 20 ans, le promoteur en question a refusé de faire la demande de ce permis tant qu’il n’a pas achevé l’intégralité de son projet. Il a même refusé selon les adhérents, de tenir l’assemblée générale pour discuter des problèmes et pourquoi pas, les régler. Sauf que les conflits constants en raison de la non-délivrance des documents d’habitation et du manque de communication, ont mené les deux parties dans un bras de fer interminable.

Pour précision, depuis juillet 2019, le permis d’habiter n’est plus nécessaire pour pouvoir raccorder son bien au réseau électrique. Le but étant de ne pas pénaliser les propriétaires face aux délais auxquels font face certains promoteurs pour obtenir ce document administratif.

Aujourd’hui, le Tribunal de première instance de Témara a exigé une expertise indépendante qui démarrera ce mercredi, pour s’assurer que les immeubles en question peuvent supporter la surélévation d’un 3e étage. Entre-temps, le promoteur continue ses travaux malgré le jugement prononcé.

Ce cas de figure remet à la surface le problème auquel sont confrontés les citoyens ayant été attirés par le concept des « Widadiyates« . Un mode d’acquisition de logement qui est confronté à un encadrement et une réglementation pleine de flous et de lacunes.

Les citoyens ayant fit ce choix, font des fois preuve de « naïveté » en accordant leur confiance à certains promoteurs immobiliers, sans s’entourer de toutes les garanties nécessaires censées les protéger en cas de litige. De même, le cadre juridique régissant ces coopératives a besoin d’être révisé pour protéger justement les droits des adhérents et couper la route aux arnaqueurs.

Amicales d’habitat: Lorsque les flous de la réglementation mènent à l’anarchie Hespress Français.

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