Crise du pétrole au Maroc: Quelles solutions? Des économistes répondent

Le Maroc subit de plein fouet les hausses des prix des hydrocarbures (pétrole et gaz), à cause de la conjoncture internationale du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Face aux difficultés, le gouvernement Akhannouch a devant lui plusieurs possibilités pour faire face à la situation. Voici les solutions proposées par des économistes. 

Le gouvernement a opté pour des aides directes aux opérateurs du transport, premiers impactés par les hausses des prix du pétrole. Mais d’autres solutions s’offrent à lui.

Contactés par Hespress FR, les économistes Yasser Tamsamani, Docteur en économie de l’Université Paris 1 panthéon Sorbonne et Omar Kettani, Économiste et professeur à l’Université Mohammed V, proposent les alternatives auxquelles l’exécutif pourrait avoir recours pour atténuer la hausse des prix des produits énergétiques, du pétrole en particulier sur l’économie nationale, sur les ménages et les entreprises.

Les solutions proposées par Yasser Tamsamani

Il faut différencier les actions de court terme de celles qui s’inscrivent dans la durée. L’urgence veut que pour éviter que la hausse actuelle des prix des produits pétroliers et des matières premières ne se transforme en une inflation, c’est à dire en une hausse généralisée des prix à tous les marchés et auto-entretenue dans le temps, le gouvernement devrait venir à l’aide des ménages et des entreprises dont la demande est peu ou pas élastique à la variation des prix de ces produits.

Il s’agit principalement des ménages périurbains dont la mobilité est dépendante de leur propre moyen de transport et des entreprises, y compris celles du transport, dont les produits pétroliers représentent un intrant indispensable et difficilement substituable à court terme.  On voit bien par ailleurs l’intérêt de disposer d’un appareil statistique fin et précis.

Autrement, si le gouvernement baisse la tête en espérant que la vague passe en avançant l’argument qui consiste à dire que ses moyens financiers sont limités, il serait en train de prendre le risque de voir s’installer une dynamique inflationniste encore plus préjudiciable à la croissance et à son budget.

Il semble urgent également de revisiter les règles de fonctionnement du marché des produits pétroliers au Maroc. En fait, les enseignements de la microéconomie du producteur plaident pour la régulation du comportement de marge dans un marché foncièrement oligopolistique comme celui de l’importation et la distribution des produits pétroliers. La régulation ne consiste pas à imposer aux acteurs de ce marché une tarification (faible, à la productivité marginale) comme si ce dernier est concurrentiel au risque de les pousser en dehors du marché, mais une tarification (à la productivité moyenne) qui leur permet d’y rester sans pour autant léser le consommateur final.

Le très gros avantage de la régulation c’est qu’elle permettra d’introduire une bonne dose de transparence sur les conditions réelles de fonctionnement de ce marché. Je pense particulièrement au volume et aux conditions des contrats de gré à gré, à la position des futurs acteurs sur le marché à terme et par rapport aux différentes couvertures contractées pour se prémunir contre la variation des prix…

A terme, le développement d’une industrie nationale du raffinage relève du bon sens en vue d’amortir des futurs chocs pétroliers et s’inscrit bien dans la logique de toute politique industrielle volontariste et intégrée.

L’amélioration de l’efficacité énergétique du pays, l’élargissement du réseau des transports en commun, l’isolation des bâtiments, le développement de la prise de conscience des citoyens et des entreprises aux défis relatifs à la préservation de l’environnement et à la pollution, le rééquilibrage du mix-énergétique, sont autant d’autres leviers pour rendre l’économie nationale moins sensible aux chocs pétroliers.

Les solutions proposées par Omar Kettani

Comment endiguer une hausse qui ne dépend pas du marché intérieur? Ce sont des choses qui se règlent à l’avance quand on est un pays qui programme les risques à l’avance et qui planifie des réactions face à des risques.

Israël puisqu’il est dans une zone sensible, cherche tous les risques qu’il peut courir. S’il y a une pénurie alimentaire, ils font des provisions, s’il y a un risque de hausse des prix, ils essayent de remplacer ces produits pour ne pas systématiquement dépendre du marché international.

La Chine à l’heure actuelle, a pris toutes les mesures de l’éventualité d’une guerre nucléaire. Elle a plus de la moitié des réserves alimentaires mondiales emmagasinées chez elle.

Donc il faut prévoir, maintenant que c’est fait (la crise, ndlr) on y peut rien, il faut subir. Mais nous devons tirer des leçons de cette crise. La seule solution c’est qu’il faut faire des trous dans notre ceinture pour serrer un peu plus, et cela, à tous les niveaux, de l’Etat d’abord.

Toutes les dépenses étatiques superflues doivent être diminuées ou supprimée. Il y a des économies énormes à faire dans les ministères, les voyages à l’étranger, les déplacements à l’intérieur, les avantages en dehors des salaires, tout ce qui est superflu doit être supprimé.

Il faudrait une politique d’austérité et une lutte contre la rente des fonctionnaires, du secteur privé, du secteur étranger.

Sur les autres moyens de faire baisser l’impact, l’Etat touche une taxe sur le pétrole, et plus les prix augmentent plus sa taxe augmente, mais en même temps, actuellement il a beaucoup de contraintes. Il doit payer plus cher le pétrole, l’importation des céréales etc. Donc je ne pense pas qu’on puisse demander à l’Etat de réduire ces taxes.

Par contre, il faudrait subventionner tous les transports publics comme les taxis, et notamment pour le transport de produits alimentaires. Pour les utilisateurs privés, ils auront à réduire leurs déplacements non essentiels, à utiliser moins leur véhicule pour faire des déplacements de courte distance pour payer moins. Sinon, la hausse des prix du pétrole se répercutera aussi sur les prix produits alimentaires et tous les autres produits de consommation et cela créera un marasme économique.

Crise du pétrole au Maroc: Quelles solutions? Des économistes répondent Hespress Français.

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