
Eau : Après les précipitations, la situation de nos barrages analysée par un expert
Le Maroc a connu cette année une période de sécheresse importante, qui a impacté la campagne agricole, accompagnée d’un stress hydrique qui limite la disponibilité de l’eau au Maroc. Mais les dernières précipitations au niveau national ont redonné espoir aux agriculteurs et citoyens, d’où la nécessité de changer nos habitudes de consommation d’eau, vu la sécheresse qui risque de revenir dans les années à venir en raison du changement climatique.
Actuellement, le Maroc dispose de quelque 148 barrages d’une capacité de 19,1 milliards de mètres cubes. Selon la situation journalière des principaux grands barrages, le taux de remplissage est de 33,6 % au mardi 5 avril 2022, soit une réserve de 5.423,9 millions de mètres cubes (Mm3), contre 51% un an avant.
Cela dit, les 33,6% du taux de remplissage des barrages ne sont pas totalement exploitables comme la bien précisé, en mars, le ministre de l’Équipement et de l’eau, Nizar Baraka (30% du stock d’eau dans les différents barrages du Royaume était inexploitable en raison de la vase), d’où le lancement de plusieurs opérations de contrôle et d’évaluation de leur envasement, afin de relever exactement les quantités d’eau exploitable et possible à stocker.
Le même ministre, a également souligné, début mars lors d’une conférence tenu à l’ISIC à Rabat, qu’un rationnement de l’eau potable n’est pas à exclure dans les villes. Son département a même lancé une grande campagne de sensibilisation des citoyens à la nécessité d’économiser l’eau et les gestes simples à faire pour bien consommer cette ressource naturelle importante.
Malgré les précipitations, des mesures doivent être prises
Cette période de sécheresse que nous avons traversée récemment nous a ouvert les yeux sur l’importance d’une bonne gestion de cette ressource naturelle, et surtout, des nappes phréatiques qui représentent le stock hydrique stratégique du pays.
Ces nappes ont était durant des années surexploitées par les grands agriculteurs dont la production est destinée en grande partie à l’export. Mais aujourd’hui, et après ses généreuses précipitations qui ont redonné espoir à la population, l’heure est au changement puisque la situation n’est toujours pas rassurante estime Mohamed Benata, ingénieur agronome, Dr en Géographie, Président de l’ESCO, membre fondateur de l’ECOLOMAN et fervent défenseur de l’environnement.
« La situation qu’a connue le Maroc cette année devra être une leçon pour les gestionnaires (agences des bassins, ministère de l’Agriculture, etc. ) qui ont causé en quelque sorte cette situation très grave pour la stabilité du Maroc et sa sécurité hydrique et alimentaire. Ils nous ont amené à un niveau très fragile et je pense même qu’ils devront être tenu pour responsable » , soutient l’expert en climat qui a toujours dénoncé lors des réunions et séminaires, que le Maroc a « emprunté depuis quelques années un chemin alarmiste en ce qui concerne la gestion de ses ressources hydriques » .
Selon cet expert, l’eau est un bien commun qu’il faudra préserver. « C’est donc une gestion publique où l’État intervient, et heureusement qu’il le fait, puisqu’on ne peut pas laisser cette ressource vitale entre les mains des agriculteurs qui sont dans la concurrence, et qui épuisent les ressources en eau, surtout les eaux souterraines » , explique-t-il.
Ces eaux souterraines, poursuit le militant, représentent la sécurité hydrique du Maroc. « C’est notre stock stratégique au cas où le pays traverse des années consécutives de sécheresse. Et le Maroc, dans son histoire, a connu ça dans les années 80, lorsque le pays a enregistré 5 ou 6 années de sécheresse » , rappelle-t-il.
La préservation de nos nappes phréatiques et de nous ressources en eau est donc une nécessité absolue, estime Benata, en imaginant le pire scénario d’une année de sécheresse qui se prolonge jusqu’à l’année prochaine, ce que l’on n’espère pas.
Ainsi, l’expert estime que cette année de sécheresse est une leçon pour tous les Marocains et les décideurs en premier lieu. Mais il soutient toutefois que le programme exceptionnel lancé par le Roi Mohammed VI visant à atténuer les effets du retard des précipitations peut limiter les dégâts.
Pour Benata, ce programme peut à la limite aider à surmonter la situation parce qu’il n’est pas question de laisser tomber le petit agriculteur, qui a deux ou trois vaches qu’il devra vendre pour manger.
Tout en rappelant que l’eau est une ressource qui n’est pas indéfinie, mais plutôt calculée et limitée, l’expert avance que « le rythme de la sécheresse au Maroc risque de s’accentuer. Raison pour laquelle le stock hydrique doit prendre en considération deux ou trois années successives de sécheresse et il ne faut pas prendre à la légère l’épuisement de la nappe phréatique ».
Malheureusement aujourd’hui, déplore-t-il, et malgré la sécheresse, les ressources en eau sont exploitées par les gros producteurs jusqu’à la dernière goutte.
Eau : Après les précipitations, la situation de nos barrages analysée par un expert Hespress Français.